Les spaghetti aux lombrics
Le lendemain, pour se venger, Commère Gredin se faufila dans le jardin et creusa la terre à la recherche de quelques vers. Elle découvrit de grands lombrics bien dodus, les enferma dans une boîte en fer-blanc qu’elle cacha sous son tablier, et revint au logis.
À treize heures, elle fit bouillir des spaghetti. Puis, dans l’assiette de son époux, elle ajouta une bonne ration de vers qu’elle recouvrit de sauce tomate et de parmesan.
« Eh là ! mes spaghetti gigotent ! s’écria Compère Gredin en donnant des coups de fourchette dans le tas.
— Il s’agit d’une nouvelle marque, dit Commère Gredin qui, elle, faisait honneur à son plat (sans lombrics, bien entendu). Les spaghetti Grouillanzi. Mmm, délicieux ! Mange tant qu’ils sont chauds. »
Compère Gredin enroula ses spaghetti autour de sa fourchette et les fourra dans sa bouche. Bientôt, sa barbe dégoulinait de sauce.
« Ces Grouillanzi ne sont pas aussi bons que les autres, dit-il, la bouche pleine. Ils sont trop gluants.
— Moi, je les trouve excellents », répliqua Commère Gredin.
Elle se réjouissait de voir son gredin d’époux avaler une pleine assiettée de vers.
« Je leur trouve un arrière-goût amer, continua Compère Gredin. Oui, je t’assure, un arrière-goût amer. La prochaine fois, achète les spaghetti ordinaires. »
Commère Gredin attendit qu’il ait fini son assiette pour lui demander :
« Sais-tu pourquoi tu trouvais ces Grouillanzi gluants ? »
Compère Gredin s’essuyait la barbe avec la nappe.
« Non, pourquoi ? fit-il.
— Et sais-tu pourquoi ils avaient un arrière-goût amer ?
— Non, pourquoi ? répéta-t-il.
— Parce que ces spaghetti Grouillanzi grouillaient de vers ! » s’écria triomphalement Commère Gredin, tapant des pieds et des mains.
Et elle partit d’un grand rire de sorcière en se balançant sur sa chaise.